2010. l'envie de mourir? oh oui, comment elle en avait envie en cet instant. dans son uniforme du collège bien trop repassé par sa mère dans la matinée, attaché jusqu'au dernier bouton, la jupe plissée arrivant à peine au dessus du genoux. ses cheveux noirs naturels, tombant dans son dos, parfaitement coiffés. point une trace de maquillage sur son visage, ni de couleur chimique sur ses ongles courts limés : naturelle mais parfaite, c'est que ses parents voulaient qu'elle soit. un énième rendez-vous arrangépour trouver l'homme idéal, un qui correspondait aux critères repoussants de sa mère et son père, c'était l'actuelle situation dans laquelle elle était. il n'était pas vilain, mais de sur pas son genre, le style bon élève, les cheveux trop plaqués à son goût. un étudiant en médecine, point important pour ses parents, car de quoi la faire devenir leur fille une bonne poule japonaise restant à la maison, s'occupant des tâches ménagères et de la famille. il devait avoir de l'argentpour éviter qu'elle aille à l'université afin d'avoir un travail et qu'elle devienne indépendante ; le féminisme, une horreur aux yeux de ses parents conservateurs. le cadre du rendez-vous n'était pas si mal, un petit café mignon et discret, il pensait sûrement que ce genre d'endroit la charmerait; mais rien aux goûts de l'excentrique garce qu'elle était en réalité. encore dix minutes, pensa-t-elle en regardant discrètement sa montre. dix minutes à faire croire que le garçon devant elle lui plaisait, dix minutes à afficher ce sourire niais qui ne lui ressemblait pas, dix minutes à rire ses blagues et prétendre que celles-ci étaient amusantes alors que ce n'est pas le cas, dix minutes encore avant qu'elle n'envoie un texto à sa mère pour lui dire que le rendez-vous s'était bien passé mais mentir sur le fait que ce garçon avait aucune manière et qu'elle ne se voyait donc ainsi pas passer sa vie avec lui, dix minutes avant qu'elle rejoigne haru, son petit ami dont elle cachait l'existence, l'attendant avec sa voiture devant le café. il lui avait envoyé par sms pendant son rendez-vous, ils allaient cambriolerla maison de sa richeex-copine cette fois-ci, elle avait hâte.


2012. si on lui avait un jour dit qu'un jour elle assisterait à ses propres funérailles, honnêtement salope qu'elle est, elle y aurait cru. c'était un sentiment bizarre de voir des gens pleurer sa mort alors qu'elle était toujours vivante, mais ce n'était pas désagréable non plus. le plus étrange, c'était surtout d'assister aux larmes de ses proches tombant sur un cercueil vide. "son corps a entièrement pris feu dans l'accident de voiture et les poussières se sont dispersées dans les eaux du ravin" c'était tragique pour ses parents, mais c'était un tel soulagement que d'être enfin libérée d'eux. le plus dur avait été de dénoncer haru aux flics ; après tout, il était son copain, enfin ex-copain désormais, et son premier amour. en tapant leur numéro, elle s'était promise de ne plus tomber amoureux d'un autre ; elle lui devait bien ça maintenant qu'il allait passer trente ans derrière les barreaux. elle aurait pu partir avec lui, c'était ainsi prévu de base, mais elle voulait tout le fric de leurs vols pour sa petite personne, uniquement ; oui l'argent et son bonheur étaient tous deux plus importants que son amour pour haru. il n'avait qu'à pas l’entraîner dans ses braquages premièrement, si elle était devenue sa complice c'était de sa faute. elle n'avait que seize ans à l'époque, il lui avait promis des merveilles ; qu'elle se ferait beaucoup d'argent, que ça serait amusant, des mots qui attrapent le cœur de n'importe quelle gamine vénale, naïve et amoureuse. puis, elle le sentait tellement bien en faisant ça, le sentiment de liberté, transgresser les règles, l'adrénaline qui courait dans ses veines, ne pas savoir s'ils allaient en ressortir vivants, c'était malsain, mais c'était si bon. et ce sentiment, elle le ressentait à nouveau, en cet instant. car oui, même si on avait jamais vu son visage, il était clair qu'en dénonçant haru aux flics, la complice la plus suspecte d'agir avec lui, était bien évidemment sa petite-amie, autrement dit elle-même. elle devait se faire disparaître, c'était une obligation si elle voulait vivre une existence riche et sereine. et quoi de mieux que d'organiser sa propre mort pour qu'on évite de la rechercher dans les quatre coins du pays. quand ils ont appris la nouvelle, ses parents n'y croyaient pas ; leur fille si parfaite, commettre de tels méfaits ? impensables. ils en étaient arrivés à la conclusion, que leur fille n'était probablement pas au courant et s'était suicidée du ravin avec leur voiture car elle ne supportait pas l'idée que son petit-ami était en vérité un criminel, expliquant ainsi son appel à la police ; qu'ils sont mignons, et surtout hypocrites. maintenant qu'elle était libérée de tout cela, sa nouvelle identité présente dans ses faux papiers neufs, il ne manquait plus qu'une chose : qu'elle s'échappe de kyoto avec une voiture volée, laisse son passé de braqueuse derrière, et aille rejoindre tokyo pour une nouvelle vie épanouissante et remplie d'argent, sous le nom de sone yori.