Cela avait été un échec. Il ne savait pas ce qu'il avait espéré en rencontrant Kyosuke une seconde fois mais il n'avait pas imaginé que cela tournerait aussi mal. Bon, leur deuxième rencontre ne s'était à proprement parlé pas terminé sur une mauvaise note mais pas non-plus sur une bonne note. Désormais, il savait que c'était à lui seul de décider si cela valait la peine qu'ils se revoient. Mais, bien entendu avait-il envie de le revoir.
Il s'était demandé si ce n'était pas le lieu non propice au moment qui les avaient rendus tout les deux plus mal à l'aise qu'ils n'auraient dû l'être. À cause de lui, Kyosuke s'était retrouvé à l'hôpital et pour une durée longue de six mois. Il ne doutait pas que celui-ci avait dû attendre qu'il franchisse le seuil de la porte jusqu'à ce qu'il finisse par apprendre par un intermédiaire qu'il avait fui en Europe. Quel autre mal avait-il pu lui dire lorsqu'il avait compris que Tôru ne reviendrait pas ? Qu'il navait pas menti et que leur histoire était, oui, terminée.
Terminée, mon oeil. Comment avait-il osé lui communiquer qu'il rompait cinq ans auparavant et l'embrasser dès la deuxième rencontre ? L'expression qui s'était affichée sur le visage de Kyosuke le hantait chaque jour. Une expression relevant de l'effroi et pire que cela... Du dégoût. Il se sentait si mal de l'avoir embrassé parce qu'il avait enfin compris : il ne le méritait plus.

Une brise d'air avait balayé ses cheveux bien qu'il ne soit plus aussi longs. Il s'étira les jambes et s'allongea sur l'herbe fraîche. Il avait une longue pause pour manger ce midi et il avait décidé de venir se perdre dans les jolies contemplations du jardin botanique de Meguro. Le temps était au beau fixe malgré les températures moyennes. Il avait emmené avec lui son carnet de croquis et avait entrepris de se laisser par son imagination du paysage qui lui faisait face en mangeant son bentô.
Dessiner l'avait toujours calmé aussi loin qu'il puisse s'en souvenir. Là, il avait besoin de se calmer parce que, certes, se concentrer sur les tatouages qu'il faisait l'aidait à ne penser à rien d'autre mais la douleur, elle, était toujours présente. Sa charge de travail était, d'ailleurs, plus restreinte depuis qu'il s'était fait mal au bras l'autre jour. Il avait obtenu l'accord de ne pas se mettre en arrêt maladie bien qu'en tant que tatoueur il aurait dû après s'être entaillé le bras au point de se retrouver avec trois points de suture. Mais, son travail, lui, avait dû s'en retrouver réduit sans qu'il n'ait eu rien à en redire. On était trop gentil avec lui.

Lui qui n'était déchet.

Il se redressa et se remit à dessiner quand du bruit se fit entendre non loin de lui. Il redressa la tête et vit trois jeunes rassemblés sur le pont bordant le minuscule fleuve présent. L'un des trois était bruyant et sa voix lui cassait les oreilles. Cet endroit était censé être un endroit calme et serein, ne le savait-il pas ? Il était clair qu'avec tout ce tapage il n'arriverait pas à se concentrer sur ses dessins.
Il se leva et laissa ses affaires sur place avant de se diriger vers les trois personnes. Il ne tergiversa pas et s'adressa directement à la touffle blonde bruyante.

« Euh, excuse-moi, essaya-t-il de dire le plus calmement possible, Mais on n'entend que toi dans les parages, le tutoya-t-il non sans vergogne, Ce n'est pas si compliqué de parler plus bas, non ? On est dans un endroit paisible fait pour les personnes ayant besoin de sérénité. »

Puis, pour accompagner le tout, il lui fit du mieux qu'il le put un sourire qui n'eut pas l'air d'un rictus.